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en tourbillonnant

Signes culturels rencontrés : musique, peinture, écriture, etc.

Poésie 21 : Guillaume d'Aquitaine

Farai un vers de dreit nien
Non er de mi ni d'autra gen
Non er d'amor ni de joven
Ni de ren au
Qu'enans fo trobatz en durmen
Sus un chivau

Je ferai un poème de pur néant :
Il ne sera pas sur moi ni sur d'autres gens,
Ni sur l'amour, ni sur la jeunesse,
Ni sur rien d'autre.
Je l'ai composé en dormant
Sur un cheval.

No sai en qual hora.m fui natz
No soi alegres ni iratz
No soi estranhs ni soi privatz
Ni no.n puesc au
Qu'enaisi fui de nueitz fadatz
Sobr'un pueg au

Je ne sais sous quelle étoile je suis né,
Je ne suis ni gai ni fâché,
Je ne suis ni farouche ni familier,
Je n'y peux rien :
Je fus de nuit ensorcelé
En haut d'une colline.

No sai cora.m fui endormitz
Ni cora.m veill s'om no m'o ditz
Per pauc no m'es lo cor partitz
D'un dol corau
E no m'o pretz una fromitz
Per saint Marsau 

Je ne sais quand je fus endormi,
Ou si je veille si on ne me le dit.
J'ai failli avoir le cœur brisé
D'une douleur intime.
Je m'en soucie comme d'une fourmi,
Par Saint Martial !

Malautz soi e cre mi morir
E re no sai mas quan n'aug dir
Metge querrai al mieu albir
E no.m sai tau
Bos metges er si.m pot guerir
Mas non si amau

Malade je suis et je crois mourir,
Mais je n'en sais rien que par ouï-dire,
Si je veux j'irai quérir un médecin,
Et je ne sais lequel.
Bon il sera s'il peut me guérir,
Et mauvais s'il échoue.

Amigu'ai ieu non sai qui s'es
C'anc no la vi si m'aiut fes
Ni.m fes que.m plassa ni que.m pes
Ni no m'en cau
C'anc non ac Norman ni Franses
Dins mon ostau

J'ai une amie, je ne sais pas qui,
Car je ne l'ai jamais vue, par ma foi ;
Elle ne m'a rien fait qui me plaise ou me pèse,
Et ça n'a pas d'importance.
Jamais n'est venu ou normand ou français
Dans ma maison.

Anc non la vi et am la fort
Anc no n’aic dreit ni no.m fes tort
Quan no la vei be m'en deport
No.m prez un jau
Qu'ie.n sai gensor e belazor
E que mais vau

Jamais je ne la vis, et je l'aime beaucoup ;
Elle ne m'a jamais fait bien ou tort.
Quand je ne la vois pas, je suis content :
Je ne l'estime pas plus qu'un poulet,
Car j'en sais une plus aimable et plus belle
Et qui vaut mieux.

No sai lo luec on s’esta
Si es m pueg ho es en pla
Non aus dire lo tort que m’a
Albans m’en cau
E peza.m be quar sai rema
Per aitan vau

D'où elle vient, je ne sais pas ;
Est-ce d'en haut ou bien d'en bas ?
Je n'ose dire si j'ai tort,
Alors je me tais.
Ça m'attriste qu'elle reste là
Quand je m'en vais.

Fait ai lo vers no sai de cui
Et trametrai lo a celui
Que lo.m trameta per autrui
Enves Peitau
Que.m tramezes del sieu estui
La contraclau

J'ai fait ces vers, je ne sais sur quoi.
Je les transmettrai à celui
Qui les transmettra à un autre, 
Là-bas vers le Poitou :
De son étui pour moi qu'il sorte,
L'explication. 


(poème de Guillaume IX d'Aquitaine, traduction, adaptation, etc.,  BC, roturier, mais d'Aquitaine, octobre 2012.)


Poème de néant. Poème.
Ce texte mérite l'effort de le lire. L'occitan de Guillaume IX (1071-1126) n'est pas une langue facile. Le traducteur connaît le catalan moderne, mais pour ce poème il s'est aidé d'autres traductions que vous trouverez ici ou
Patrice Guinard, auteur de la dernière traduction dit : "L'ajout fréquent du pronom personnel "je" alourdit et défigure le poème chanté." Désolé, mais je ne pouvais pas faire autrement. Il fait suivre le texte d'un article dont on vous conseille la lecture. Il y en a d'autres. Sur Guilhem IX de Peitieus (Poitiers, en "limousin"), notre premier troubadour, lisez une notice générale, ou bien celle-ci, sur la littérature courtoise, au XIIe siècle. 
En cliquant ici vous entendrez l'Ensemble Tre Fontane interpréter ce poème en 2011 (4'39).

 

C'est le printemps aujourd'hui.
Pour terminer, voici quelques lignes sur ce jour, par  Guillaume d'Aquitaine, quatre strophes avec une traduction.

Ab la dolchor del temps novel
Foillo li bosc e li aucel
Chanton chascus en lot lati
Segon lo vers del novel chan
Adonc esta ben c’om s’aisi
D’acho dont hom a plus talan

À la douceur du temps nouveau,
Feuillissent les bois, et les oiseaux
Chantent, chacun en leur latin,
Selon les vers du nouveau chant.
Il est donc temps de prendre
Ce dont l’homme a le plus envie.

De lai don plus m’es bon e bel
No vei mesager ni sagel
Per que mos cors non dorm ni ri
Ni no m’aus traire adenan
Tro qu’eu sacha ben de la fi
S’el’es aissi com eu deman

De là où tout m’est bon et beau,
Je ne vois ni messager ni lettre.
C’est pourquoi mon cœur ne dort ni ne rit plus.
Je n’ose m’avancer,
Ne sachant si la fin
Sera celle que je désire.

La nostr’amor vai enaissi
Com la brancha de l’albespi
Qu’esta sobre l’arbre’en creman
La nuoit ab la ploi’ez al gel
Tro l’endeman que-l sols s’espan
Per la fueilla vert el ramel

Notre amour va ainsi
Que la branche de l’aubépine
Qui est sur l’arbre en craignant,
Durant la nuit, la pluie et le gel ;
Mais qui, le lendemain, s’épanouit sous le soleil
En feuilles vertes et rameaux.

Enquer me membra d’un mati
Que nos fesem de guerra fi
E que-m donet un don tan gran
Sa drudari’e son anel
Enquer me fais Dieus viure tan
Qu’aia mas mans soz son mantel

Maintenant, je me souviens d’un matin
Où nous mîmes fin à la guerre,
Et elle me fit un don si grand :
Son amour et son anneau.
Que Dieu me laisse vivre encore,
Tant que j’aurai mes mains sous son manteau.

 

BC 

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