31 Août 2021
On dit parfois que ce peintre n'est pas connu. Cherchez sur internet ! On la
voit beaucoup. (Et une exposition, "Femmes peintres et salons au temps de Proust", en 2010 au Musée Marmottan, accompagnée d'un catalogue, lui a redonné une notoriété méritée.Voyez l'article d'Édouard Launet dans Libération).
Elle a peint des milliers de roses.
Un de ses amants, Alphonse Dumas fils, aurait dit :"c'est elle qui a créé le plus de roses après Dieu" et elle a été surnommée, "l'impératrice des roses" (Robert de Montesquiou). On trouvera sa biographie sur Wikipédia.
Ici, ce sera une évocation.
Née en 1845, elle avait été l'élève de Charles Chaplin. Ce peintre, si aimé de l'Impératrice Eugénie, ayant donné
une image tendre de la femme, lascive et innocente à la fois.
Plus tard elle tenait à Paris, rue de Monceau, un salon où se réunissait toute la "société" de la fin du XIXe siècle et de la Belle Époque. Un toile de Gervex, au Musée Carnavalet, montre un de ses mardis, vers 1910 :
C'est elle qui a fait se rencontrer, dit-on, Marcel Proust et Reynaldo Hahn. Elle serait un des modéles de Mme Verdurin dans la Recherche. L'écrivain pouvait-il en faire ce personnage borné ? Madeleine Lemaire était appréciée de Proust et avait illustré son premier livre, Les plaisirs et les jours, où il avait écrit : "il vaut mieux rêver sa vie que la vivre".
Madeleine Lemaire vivait l'été au Château de Réveillon dans la Marne, où elle recevait les habitués de son salon parisien. Depuis les marronniers, le château s'offre dans un paysage proustien :
Madeleine Lemaire peint des roses, comme ce panier de 1874 :
mais pas seulement. Au Salon de 1880, elle présente une Ophélie :
Certes, des fleurs, comme l'a dit Shakespeare, accompagnent le personnage, mais il y a surtout un érotisme sauvage qui devait plaire aux frustrés de la Belle Époque. Madeleine Lemaire suivait les leçons de Charles Chaplin. Comme son maître, elle savait montrer "la volupté" :
Plus sagement, elle illustre Flirt de Paul Hervieu qui paraît aussi chez Lemerre (lequel avait édité en 1891 la Physiologie de l'amour moderne du "premier" Paul Bourget).
Elle n'oublie pas les fleurs :
Ces fleurs naissent puis meurent. C'est bien connu depuis le carpe diem d'Horace.
Le beau monde se presse à Réveillon. Madeleine Lemaire le sait : la grille se fermera un jour.
[On lira dans le n°26 (1976) du Bulletin de la Société des Amis de Marcel Proust l'article de Roger Delage sur "Reynaldo Hahn et Marcel Proust".
L'importance de la mélodie exprimée par Proust dans "Les Plaisirs et les Jours" est étudiée dans le billet "La plus universelle beauté de la vie et de la mort" que j'ai écrit en 2013 dans le blog "Autour de Charles Bordes".
Madeleine Lemaire, Reynaldo Hahn y apparaissent aussi.]
BC